Chez nous, il n’y avait qu’un seul couteau dans la cuisine.
Il servait à tout : couper le poulet, trancher le pain, préparer les œufs.
Et pourtant… je ne me souviens pas d’une seule intoxication alimentaire.
Le dimanche, c’était le repas de famille.
Du fait maison, simple, sans livraison ni menus plastifiés.
Pas besoin de beaucoup pour être heureux : juste une table, des rires et une odeur qui restait dans la maison toute la journée.
À l’école, nos goûters tenaient dans des sacs en papier.
Pas de boîtes compartimentées, pas de pains de glace.
Un morceau de pain, parfois un carré de chocolat, et ça suffisait largement.
On mangeait, on jouait, et personne ne parlait de bactéries.
L’été, on vivait dehors.
Dans les rivières, les lacs, la mer.
Pas de panneaux alarmants tous les dix mètres.
Juste l’eau, le soleil et des souvenirs gravés pour la vie.
On portait des baskets simples, souvent usées.
On tombait, on se relevait, on repartait.
Les genoux écorchés étaient des trophées, pas des drames.
Quand on dépassait les limites, il y avait des règles.
Et on les respectait.
Pas par peur, mais parce que ça faisait partie de l’apprentissage.
Les classes étaient pleines, parfois trop.
Mais on apprenait quand même.
À lire, à écrire correctement, à compter sans calculatrice.
Faire ses devoirs était normal. Bien écrire aussi.
Les fêtes de fin d’année scolaire se faisaient avec des gâteaux maison, des tombolas bricolées, des spectacles maladroits mais sincères.
La reconnaissance n’était pas donnée à tout le monde — elle se méritait.
On jouait dehors jusqu’à la nuit.
Les parents savaient où nous étions, sans téléphone, sans GPS.
Rentrer seul ne faisait pas peur.
Une piqûre, une bosse, une petite blessure ?
Un remède de grand-mère, un bisou… et c’était réglé.
Les disputes se réglaient face à face.
Pas derrière un écran.
Pas sous les projecteurs des réseaux.
Et surtout…
On n’employait pas de grands mots pour tout analyser.
Les familles avaient leurs difficultés, mais elles restaient soudées.
C’était imparfait.
Mais c’était vrai.
